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La misère sexuelle du monde arabe

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Peut-on faire une fixation sur le sexe, au point de promettre des vierges à ses héros même après la mort, si on ne l'aime pas ? Derrière les discours puritains de certains islamistes se cachent une obsession maladive de la chose. C'est ce qu'explique le "New York Times". La version anglaise est ici.

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Oran, Algérie — Après Tahrir, Cologne. Après le square, le sexe. Les révolutions arabes de 2011 avaient enthousiasmé les opinions, mais depuis la passion est retombée. On a fini par découvrir à ces mouvements des imperfections, des laideurs. Par exemple, ils auront à peine touché aux idées, à la culture, à la religion ou aux codes sociaux, surtout ceux se rapportant au sexe. Révolution ne veut pas dire modernité.
Les attaques contre des femmes occidentales par des migrants arabes à Cologne, en Allemagne, la veille du jour de l’an ont remis en mémoire le harcèlement que d’autres femmes avaient subi à Tahrir durant les beaux jours de la révolution. Un rappel qui a poussé l’Occident à comprendre que l’une des grandes misères d’une bonne partie du monde dit “arabe”, et du monde musulman en général, est son rapport maladif à la femme. Dans certains endroits, on la voile, on la lapide, on la tue ; au minimum, on lui reproche de semer le désordre dans la société idéale. En réponse, certains pays européens en sont venus à produire des guides de bonne conduite pour réfugiés et migrants.
Le sexe est un tabou complexe. Dans des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Syrie ou le Yémen, il est le produit de la culture patriarcale du conservatisme ambiant, des nouveaux codes rigoristes des islamistes et des puritanismes discrets des divers socialismes de la région. Un bon mélange pour bloquer le désir, le culpabiliser et le pousser aux marges et à la clandestinité. On est très loin de la délicieuse licence des écrits de l’âge d’or musulman, comme “Le Jardin Parfumé” de Cheikh Nefzaoui, qui traitaient sans complexe d’érotisme et du Kamasutra.
Aujourd’hui le sexe est un énorme paradoxe dans de nombreux pays arabes : On fait comme s’il n’existait pas, mais il conditionne tous les non-dits. Nié, il pèse par son occultation. La femme a beau être voilée, elle est au centre de tous nos liens, tous nos échanges, toutes nos préoccupations.
La femme revient dans les discours quotidiens comme enjeu de virilité, d’honneur et de valeurs familiales. Dans certains pays, elle n’a accès à l’espace public que quand elle abdique son corps. La dévoiler serait dévoiler l’envie que l’islamiste, le conservateur et le jeune désoeuvré ressentent et veulent nier. Perçue comme source de déséquilibre — jupe courte, risque de séisme — elle n’est respectée que lorsque définie dans un rapport de propriété, comme épouse de X ou fille de Y.
Ces contradictions créent des tensions insupportables : le désir n’a pas d’issue ; le couple n’est plus un espace d’intimité, mais une préoccupation du groupe. Il en résulte une misère sexuelle qui mène à l’absurde ou l’hystérique. Ici aussi on espère vivre une histoire d’amour, mais on empêche la mécanique de la rencontre, de la séduction et du flirt en surveillant les femmes, en surinvestissant la question de leur virginité et en donnant des pouvoirs à la police des moeurs. On va même payer des chirurgiens pour réparer les hymens.
Dans certaines terres d’Allah, la guerre à la femme et au couple prend des airs d’inquisition. L’été, en Algérie, des brigades de salafistes et de jeunes de quartier, enrôlés grâce au discours d’imams radicaux et de télé-islamistes, surveillent les corps, surtout ceux des baigneuses en maillot. Dans les espaces publics, la police harcèle les couples, y compris les mariés. Les jardins sont interdits aux promenades d’amoureux. Les bancs sont coupés en deux afin d’empêcher qu’on ne s’y assoit côte à côte.
Résultat : on fantasme ailleurs, soit sur l’impudeur et la luxure de l’Occident, soit sur le paradis musulman et ses vierges.
Ce choix est d’ailleurs parfaitement incarné par l’offre des médias dans le monde musulman. A la télévision, alors que les théologiens font fureur, les chanteuses et danseuses libanaises de la “Silicone Valley” entretiennent le rêve d’un corps inaccessible et de sexe impossible. Sur le plan vestimentaire, cela donne d’autres extrêmes: d’un côté, la burqa, le voile intégral orthodoxe ; de l’autre, le voile moutabaraj (“le voile qui dévoile”), qui assortit un foulard sur la tête d’un jean slim ou d’un pantalon moulant. Sur les plages, le burquini s’oppose au bikini.
Les sexologues sont rares en terres musulmanes, et leurs conseils peu écoutés. Du coup, ce sont les islamistes qui de fait ont le monopole du discours sur le corps, le sexe et l’amour. Avec Internet et les théo-télévisions, ces propos ont pris des formes monstrueuses — un air de porno-islamisme. Certains religieux lancent des fatwas grotesques: il est interdit de faire l’amour nu, les femmes n’ont pas le droit de toucher aux bananes, un homme ne peut rester seul avec une femme collègue que si elle est sa mère de lait et qu’il l’a tétée.

Le sexe est partout. Et surtout après la mort.
L’orgasme n’est accepté qu’après le mariage — mais soumis à des codes religieux qui le vident de désir — ou après la mort. Le paradis et ses vierges est un thème fétiche des prêcheurs, qui présentent ces délices d’outre-tombe comme une récompense aux habitants des terres de la misère sexuelle. Le kamikaze en rêve et se soumet à un raisonnement terrible et surréaliste: l’orgasme passe par la mort, pas par l’amour.
L’Occident s’est longtemps conforté dans l’exotisme ; celui-ci disculpe les différences. L’Orientalisme rend un peu normales les variations culturelles et excuse les dérives : Shéhérazade, le harem et la danse du voile ont dispensé certains de s’interroger sur les droits de la femme musulmane. Mais aujourd’hui, avec les derniers flux d’immigrés du Moyen-Orient et d’Afrique, le rapport pathologique que certains pays du monde arabe entretiennent avec la femme fait irruption en Europe.
Ce qui avait été le spectacle dépaysant de terres lointaines prend les allures d’une confrontation culturelle sur le sol même de l’Occident. Une différence autrefois désamorcée par la distance et une impression de supériorité est devenue une menace immédiate. Le grand public en Occident découvre, dans la peur et l’agitation, que dans le monde musulman le sexe est malade et que cette maladie est en train de gagner ses propres terres.


Kamel Daoud, chroniqueur au "Quotidien d’Oran", est l’auteur de “Meursault, contre-enquête.”

 


Qui a peur de Donald Trump ?

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Au lendemain du mardi 8 novembre, les Etatsuniens, qui ont accaparé l'appellation "Américains" comme s'ils sont les seuls habitants de tout le continent, se retrouveront avec la gueule de bois quel que soit l'issue du vote. Pile : Donald Trump, la réaction raciste à 8 années d'Obama. Face : Hillary Clinton, que des gens vont voter parce qu'ils ont peur de Trump et qu'après une petite révolution; un noir à la Maison-Blanche, enchaînons avec une autre, une femme dans le bureau Ovale, jusqu'ici le théâtre d'actes virils auxquels n'est pas étranger... Bill Clinton.

Mais qui a peur de Donald Trump ? Ceux qui vivent aux Etats-Unis, les étrangers en premier chef. Autant Obama n'a rien apporté à l'Afrique, autant Trump ne se souciera du continent des nègres et des musulmans comme de sa première faillite. La politique étrangère américaine était, est et sera toujours conduite par les vautours de la CIA, de l'industrie de l'armement et les magnats du pétrole. Et sur ce point, il faudra plutôt se méfier de Hillary Clinton qui en sait quelque chose.

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Je partage donc les opinions de ce lecteur de "L'Express de Madagascar".

Présidentielle aux États Unis ou quand la démocratie est grippée

USA 2016: Clinton vs Trump. Qui des deux candidats succédera à Barack Obama ? À mon avis, le résultat de cette élection – quel qu’il soit – posera plus de problèmes qu’il n’en résoudra.
La légèreté avec laquelle l’ancienne secrétaire d’État, qui, de surcroît, avait hanté les plus hautes sphères de l’État durant les deux mandats présidentiels de son époux, communiquait avec ses collaborateurs, témoigne d’une inconscience inadmissible, inconcevable pour une personnalité qui aspire à un destin mondial.
Son adversaire, de son côté, ne semble pas réaliser qu’il ne participe plus à une émission de télé-réalité mais à l’élection la plus démocratique et la plus importante au monde: les insultes, le mépris qu’il affiche pour s’aliéner au moins la moitié du corps électoral permettent de douter de son désir réel d’arriver à ses fins.
Jamais, sans doute, arguments de campagne n’ont volé aussi bas aux États-Unis. Et pour cause : cette élection met aux prises deux candidats souffrant apparemment tous les deux de névrose d’échec. On est loin, très loin, des débats sociétaux, géopolitiques ayant opposé Jimmy Carter à Ronald Reagan en 1980 ou, plus récemment, Barack Obama à John McCain, puis Mitt Romney. À l’issue de ces joutes oratoires, on s’en souvient, on ne pouvait rester insensible à l’élégance dont faisait preuve le candidat malheureux.
Au soir du 8 novembre 2016, il y aura un vainqueur et un vaincu car la probabilité d’une égalité parfaite de voix obtenues par les deux candidats est, disons, nulle. Mais, on peut gager, d’ores et déjà, que le vaincu admettra difficilement sa défaite. Le névrosé d’échec ne reconnaît jamais sa  responsabilité – fût-elle partielle- dans la faillite de son entreprise. À défaut de la fatalité; de la malchance, nous aurons droit, cette fois-ci, aux invectives d’un(e) candidat(e) prompt(e) à se poser en victime d’on ne sait trop quoi.
Mardi soir, les Américains auront-ils élu un(e) Président(e) ou seulement éliminé un(e) candi­dat(e) .

Rivo Ranoelison

Pays cherche cours de Culture générale

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Madagascar, Randy Donny, Politique, cultureLe hasard de la vie, mais aussi et surtout les circonvolutions d'une carrière professionnelle sans autres ambitions que celles de se faire plaisir, ont amené l'auteur de ces lignes à Antsirabe, en 2007, pour diriger la filière de formation en Communication et Journalisme d'une Université catholique. Première décision: supprimer une matière qui sonne comme une intruse au milieu d'autres plus pointues, Culture générale.

Comment peut-on enseigner à un individu ce qui va rester quand il aura tout oublié ? Une culture générale ne s'acquière pas en 20h de cours magistral ponctués de QCM. Ne demandez surtout pas ce que signifie ces acronymes. Cela doit déjà faire partie de votre culture générale de Francophone.

Comme ce sont les individus qui forment un groupe social, de la culture générale de chacun dépend donc le niveau général de culture d'une société, d'une Nation.

Ainsi, l'on se demande si l'un des freins au développement  de Madagascar ne relève pas finalement de la culture que l’Unesco désigne comme étant « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent un groupe social ».

Si l'on ne prend pas garde, avec une population où une personne sur deux est analphabète, une fuite en arrière n'est pas à écarter.

Quand des victimes d'un vol de zébus, conséquence d'une culture figée depuis des siècles - l'élevage contemplatif, crie à la vendetta collective, c'est la culture de la justice qui quitte le prétoire pour retourner à l'âge des cavernes...

Quand on vandalise un poteau électrique, un panneau de signalisation ou une poubelle publique, c'est que, quelque part, des gens ne sont pas passés par la case culture citoyenne...

Quand des policiers tabassent un présumé coupable et que personne ne réagit, ce que la culture des droits de l'Homme n'est pas encore ancrée dans les moeurs. Et pas seulement. Ailleurs, on pointe de doigt les vêtements de fourrures et le foie gras au nom du droit des animaux alors que dans les aires protégés malgaches, on continue à tuer des espèces protégés...

La pauvreté n'explique pas tout. D'autant plus que le financement des ONG s'avère être un tonneau des Danaides.

Tout le monde cherche un emploi au lieu d'en créer par manque de culture entrepreunariale. On vote, non pas pour une idée, mais contre quelqu'un parce que c'est ce qui reste de notre culture démocratique...

Si les médias ne servent plus que comme des instruments pour régler des comptes, au niveau politique aussi bien qu'au niveau personnel, et qu'une uniformisation mettant l'accent au sensationnalisme et à la violence se banalise, c'est que, généralement, il y a un problème de cultures.

Le niveau  culturel d'une société, tout comme la culture générale d'un individu, ne saurait être élevée à coups de cours accélérés. Des efforts conscients et durables sont nécessaires afin qu'il puisse relever les nouveaux défis du monde moderne.

Randy

Paru dans "Politikà", n° 03 du novembre-décembre 2016

On a tous quelque chose en nous de Johnny, surtout moi

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C'est une expression qui sera utilisée, usée, galvaudée pendant des mois en ce jour de disparition de Johnny Hallyday. Comme Macron, je n'ai pas cherché à être original, préférant communier avec les autres fans à travers ce titre. D'ailleurs, l'album hommage, "On a tous quelque chose de Johnny", tombe juste à un moment où le king du rock francophone disparaît. C'était l'idole des jeunes, c'est l'idole de toutes les générations. A dieu l'artiste !   

En rentrant, on se surprend à chatonner une chanson de l’ancien voyou de quartier, Johnny Hallyday :

« C’est un noël pour les enfants perdus,

Pour tous ceux qui n’y ont jamais cru.

C’est un noël pour les chiens sans collier.

Pour l’enfant de la rue que j’étais… »

Telle était la  chute d'un reportage de nuit  sur noël que j'ai écrit pour "L'Express de Madagascar" le  vendredi 26 décembre 1997. Comme tout patrimoine du rock, vivant ou pas, Johnny Hallyday m'accompagnait dans mon quotidien. Cela fait un  peu bizarre qu'il disparaît la veille de noël. "Noël Interdit" est ma chanson de noël préférée. Mais je l'écoute tellement en décembre qu'il reste en tête de ma playlist toute l'année.

Je me souviens des couvertures de "Salut les copains" et les posters, notamment avec Sylvie Vartan, que j'accrochais sur les murs de ma chambre. Je me souviens d'un spectacle de Papa James spécial Johnny Hallyday au gymnase couvert de Mahamasina qui a divisé les fans dans les années 80. Je me souviens également de ses projets de concerts à Madagascar dont le dernier, en  2009, a été annulé parce que son producteur de l'époque, Jean-Claude Camus, qui s'est déplacé lui-même à Tana, a estimé que le contexte sécuritaire n'est pas favorable pour un tel événement...                   

Les puristes du rock anglo-saxon se moquait doucement de lui. Injustement. Johnny Hallyday est un authentique rocker, le premier à avoir parfaitement compris le rock'n roll attitude. Il avait la tête dans les étoiles du star spangled banner. Mais il avait néanmoins les pieds sur terre. Voilà pourquoi il a refusé une proposition d'incarner James Dean à l'écran.

Johnny Hallyday, Madagascar, rock, Randy Donny

Je suis un fan de Johnny Hallyday au cas où on ne l'aurait pas encore compris. Et il me le rendait bien. "J'ai 16 ans et j'ai mal dans ma peau", chantait-il dans "Génération Banlieue". A l'époque, il n'avait plus 16 ans. Mais moi, oui ! Dès lors, comment ne pas faire corps avec ce phénomène que je  prenais plaisirs à imiter. Sa voix. Pas le personnage qui est unique, inimitable.

L'idole est parti. Mes tendres années ne reviendront plus. Mais Johnny Hallyday restera à jamais gravé dans le Panthéon que forme les cœurs de ses fans.

Randy

                         

Tsilavina Ralaindimby est passé, mais ses empreintes restent

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Un ami journaliste m'a demandé si je ne porte par une boucle d'oreille en référence à Tsilavina Ralaindimby. Je lui ait dit non. Maintenant, je ne sais pas si, quelque part, il a raison.

J'avais peut-être 12 ans. La TVM a annoncé la diffusion en direct d'un match d'Ajax Amsterdam avant de l'annuler. J'ai alors pris ma belle plume pour écrire une lettre demandant sa diffusion même en différé. Je l'ai pas posté. J'ai apporte en mains propres la lettre au 10è étage d'Antaninarenina. Il y avait encore un ascenseur à l'époque. Et c'était Tsilavina Ralaindimby lui-même qui l'a reçu.

Plus tard, devenu journaliste, j'ai eu l'occasion de le côtoyer. Mais je ne lui ai jamais parlé de cet anecdote. Je n'aurais plus jamais l'occasion de lui en parler. Tsilavina Ralaindimby vient de disparaître il y a environ une heure.

Il était plus qu'un confrère. C'était un modèle, presque un icône.

Madagascar, Randy Donny, Tsilavina Ralaindimby, TVM

Tsilavina Ralaindimby à ses débuts lors d'un reportage sur des manœuvres militaires.

Journaliste compétent et inspirant, une espèce qui a disparue depuis des lustres du paysage médiatique malgache. Ministre populaire sans jamais être populiste, celui que l'on regrette le plus à la tête de département de la Culture et de la Communication. Politicien visionnaire et innovateur, le coup de "Maha olona", le mouvement qui a porté Dama (Mahaleo) à l'Assemblée,  c'est lui... Tsilavina aura marqué Madagascar de ses empreintes. D'autant plus que c'était un touche à tout. Et il faisait tout avec art.

Tsilavina était un artiste. Pour ceux qui peuvent l'ignorer, il est l'auteur des paroles des tubes de Hazo midoroboka ("Ampitampitao"/"Isika"), de "Ramano Be Galona" de Lolo sy ny tariny et de "Bakoly", un titre mythique  interprété par une légende maudite du blues-rock, Ra-Donné Stills.

J'ai toujours dans la tête cette émission qu'il a tourné dans les gradins du stade de Mahamasina et qui a révélé Lefona "Kankana". Cette autre émission spéciale consacrée à la renaissance du rock malgache dans les années '80 avec Doc Holliday, Tselatra et Best Star, entre autres. Un coup de pouce qu'il appuiera plus tard d'un article dans "Midi Madagasikara" intitulé "Le micro-climat heavy"...

"Sais-tu que j'ai fait le premier reportage sur Mahaleo en 1972 à Antsirabe ?", m'as-t-il dit pendant que j'écrivais la biographie non autorisée du groupe, en 2007. J'ai alors cherché à mettre la main sur ce document historique auprès de la TVM. Mais la préposée aux archives à laquelle je me suis adressée n'as pas bien compris ma démarche. Tout partira en fumée deux ans plus tard, pendant la crise politique de 2009..

"Si tu dois choisir entre toutes les activités que tu as fait, laquelle tu retiendra", lui demandais-je en l'accueillant dans mon talk show "Face à Face", en décembre 2016. Il a simplement répondu : la photo. Des images me reviennent en mémoire et se bousculent dans ma tête. L'émission intégrale ici.

Pendant mes années estudiantines, j'ai lu un article sur sa sortie de promotion après ses études en France, en 1969, dans les archives du "Courrier de Madagascar". Lors de ma période critique rock, il m'a aidé à doter les Stone Press awards d'un trophée spéciale roots que l'on attribuera à Iraimbilanja. Dernièrement, pas plus tard qu'il y a quelques semaines, je lui ai parlé de célébrer avec faste les 60 ans de la République malgache, histoire de rectifier les erreurs de passation de relais qui provoque actuellement faux débats et erreurs d'appréciations. Il a trouvé l'idée "super géniale" ! On n'aura pas le temps de la développer.

"On est des passeurs", me disait-il encore. Il est passé de l'autre côté du miroir. Madagascar est orphelin de l'un de ses plus grands penseurs.

Randy

Assassinat de Ratsimandrava : une affaire à la JFK !

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Ratsimandrava intéresse toujours le public !, titrais-je en 2000 à l'occasion d'une exposition sur le personnage qui a drainé plus de 4000 personnes dont 1110 lors de l’inauguration. 45 ans après son assassinat, le 11 février 1975, c'est toujours le même engouement, en raison du mystère qui entoure sa disparition. 

Devenu héros national du jour au lendemain de son assassinat, le 11 février 1975, le colonel Richard Ratsimandrava était une de ces personnalités qui ont réussis a coup de persévérance personnelle. D’où certainement aussi l’attrait du personnage.

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Renouveau du fokonolona

Comparaison n’est jamais raison. Malgré tout, il est difficile de ne pas faire un parallèle avec le président américain J. F. Kennedy, mort également ans des circonstances non encore élucidées jusqu’à présent. Comme John Kennedy, chantre d’une « nouvelle frontière ». Ratsimandrava, était venu à la barre suprême de l’Etat avec un programme dont les grands points étaient déjà connus du peuple du renouveau du « Fokonolona ». D’autre part, si Kennedy était le premier, et jusqu'à présent unique, président américain non-Wasp (White anglo-saxon protestant), les Kennedy sont catholique, Ratsimandrava était le premier et jusqu'à présent unique, du moins jusqu’à preuve du contraire, chef d’Etat malgache descendant d’ « andevo » (Il parait que le mot « esclave » n’est pas idoine).

L’a-t-on  assassiné parce qu’une bande rivale de politicards voulait s’approprier le pouvoir au nom d’un autre programme ? Ou bien là t on éliminé de par son origine sociale ? Certainement les deux à la fois. Mais notre propos n’est pas de révéler ici quelques éléments secrets entourant sa mort. L’histoire s’en chargera bien un jour. Il s’agit juste d’une brève biographie (non autorisée) du personnage, un de ceux que les cours des choses ont transformé en mythes populaires malgré eux.

Citoyens français

Aussi loin que l’on remonte dans sa généalogie, on retrouve une arrière arrière grand-mère dénommé Rampy, morte en 1857. Un de ses petits fils, Maralahy, a laissé un précieux manuscrit ou il relate ses efforts pour sortir de la condition servile à coup de livres. C’est la nièce de Maralahy, Ravelonjanahary, qui donna la naissance à la mère du colonel Richard Ratsimandrava, Rasoanindrina. L’époux de celle-ci, autrement dit le père du colonel, était une personnalité qui à brillé par sa culture. Professeur assistant à l’école Le Myre de Vilers , c’était un féru des livres et d’information. « il possédait une vieille radio branché sur radio Londres ou il écoutait les nouvelles de la Grande guerre. Comme il parlait l’anglais, ils traduisait les nouvelles a ses amis », se souvient la veuve du colonel, Thérèse Razafindramoizana.

Contrairement a son ancêtre Maralahy, qui a espéré mais en vain de se libéré de son statut d’« andevo » par la bible et l’enseignement, Ratsimandrava père a demandé et obtint, la nationalité française. Ce qui lui a permis d’amélioré considérablement sa situation sociale. Ceci explique pourquoi Ratsimandrava ait pu fréquenter le Lycée Gallieni. Passeport indispensable pour des études en France avec, pour lui, direction l’école militaire de St Cyr en 1952.

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Conscience communautaire

Séduit par le concept de « déshérités » le père grossi le rang du Padesm. Il fit du journalisme en compagnie des Zafimahova. Richard Ratsimandrava, lui, acquit sa conscience nationaliste, teinté de populisme, lors de ses expériences militaires au sein de l’armée Française. On l’a envoyé pour soumettre les militants anticolonialistes au Maroc (1956) et en Algérie (1958) ou il devient membre du comité de Salut public.

«  À l’époque il commandait un détachement de militaires vazaha. Mais en fait, son principal souci était de protéger la population contre les rebelles qui pillaient les villages pour s’approvisionner, un peu comme au temps des Menalamba. C’est là qu’il apprit à connaître le dynamisme des communautés », raconte sa veuve, Thérèse Razafondramoizana, qui poursuivit, « ceci explique pourquoi il a proposé sa médiation lors de la révolte de 1971 dans le sud. Il ne comprend pas pourquoi on s’entre tue entre Malgaches, comme il n’a jamais accepté l’envoi d’une légion étrangère pour mater la révolte. Contrairement a ce qu’on dit, il n’a pas tué des gens dans le Sud.Il a plutôt contribué a sa pacification».

Dans la soirée du 11 février 1975, le cortège qui devait l’escorter après un conseil du gouvernement, à Anosy, s’est arrêté devant sa maison a Anjohy, puis est repartit. « J’ai compris tout de suite. Il y avait surement une embuscade quelque part », à déclaré Thérèse Razafindramoizana. « les jours d’avant, on nous a toujours dit de faire attention », se souvient de son coté une de ses filles, Danielle Ratsimandrava. Ce soir là, l’Histoire accueillit une nouvelle figure de légende, une de plus dans sa collection.

Randy D. in "L'Express de Madagascar" du mercredi 09 février 2000, pp. 10

A voir :11 Fevrier 1975, assassinat de Ratsimandrava. Version complète ici.

A lire : « L’introduction au cahier de Maralahy » par Juliette Ratsimandrava et Fred Ramiandrasoa in « L’esclavage à Madagascar », Actes Colloque international sur l’esclavage, Tananarive, 1996.

 

Les personnes narcissiques seraient plus susceptibles de s'impliquer dans la vie politique

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“Les individus qui croient en eux-mêmes, et qui se pensent meilleurs que les autres, s'engagent davantage dans le processus politique”, détaille Peter Hatemi, professeur de sciences politiques à la Penn State University.

Tous les hommes politiques sont-ils narcissiques ? Peut-être bien. Selon une récente étude, publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology et Daily Mail, les narcissiques sont davantage susceptibles de s’impliquer dans les activités politiques du pays. Cette nouvelle enquête compile des observations issues de trois analyses différentes. Deux ont été réalisées sur 2 280 et 2 450 participants aux États-Unis et la troisième a été menée au Danemark auprès de 500 volontaires. Dans les trois études, les participants ont été interrogés sur leurs antécédents de vote et leur implication politique : participation à des manifestations ou à des meeting, proximité avec des politiciens ou des médias, dons financiers, etc.

Grâce à ces observations, les chercheurs ont découvert que ceux qui affichaient des traits narcissiques classiques (comme l'égoïsme et le besoin d'admiration) étaient plus susceptibles de signer des pétitions, de contacter des élus et de voter aux élections de mi-mandat que les autres. Les personnes autosuffisantes étaient elles moins susceptibles de s'engager politiquement. Peter Hatemi, professeur de sciences politiques à la Penn State University, estime que ces constatations pourraient expliquer “l'état actuel de notre démocratie”. Et de poursuivre : “Si les personnes qui sont plus intéressées par leur propre gain et leur statut personnel prennent une plus grande part aux élections, alors nous pouvons nous attendre à ce que des candidats qui émergent reflètent leurs désirs”.

Politique, narcissique, démocratie

© Emile Ralambo

Des opinions partagées sur les réseaux sociaux

Pour parvenir à ces analyses, les chercheurs ont mesuré le narcissisme chez les participants grâce à un questionnaire. Le narcissisme se caractérise par la grandeur, la fierté, l'égoïsme et un manque d'empathie, précise l’étude. Les participants devaient choisir l’énoncé le plus proche de leur personnalité entre, par exemple, “J'insiste pour obtenir le respect qui m'est dû” ou “J'obtiens généralement le respect que je mérite”. Ainsi, ceux qui ont obtenu un score élevé en matière de narcissisme avaient tendance à participer tôt au processus politique en partageant leurs opinions sur les réseaux sociaux. Dans le même temps, les personnes plus autonomes sont également moins susceptibles de prendre part au processus politique.

Les individus qui croient en eux-mêmes, et qui se pensent meilleurs que les autres, s'engagent davantage dans le processus politique. Cela signifie que les politiques et les résultats électoraux pourraient être de plus en plus guidés par ceux qui veulent à la fois plus et moins donner”, conclut Peter Hatemi, professeur de sciences politiques à l'université de Penn State (États-Unis) et co-auteur de l'étude.

Johanna Amselem in Yahoo Actualités du 29 septembre 2020

 

Madagascar est en train de se morceler en plusieurs petites îles

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Millimètres par millimètres, Madagascar est en train de se diviser pour devenir plusieurs îles indépendants dans quelques millions d'années.

Madagascar, Géologie, rift, Lwandle

Relevés GPS de surface  à Madagascar.

© Rina Andrianasolo

Le continent africain se sépare lentement en plusieurs grands et petits blocs tectoniques le long du système du rift est-africain qui a des répercussions jusqu'à Madagascar qui elle-même se divisera également en îles plus petites.

Le sud et le centre de l'île de Madagascar se déplacent dans deux directions différentes

Une nouvelle étude de la complexe répartition et évolution des plaques tectoniques africaines menée par Sarah Stamps du Département de Géoscience de Virginia Tech et publiée dans la revue "Geology" a conduit à cette conclusion. Pour y arriver, les géologues ont effectué des relevés GPS de surface en Afrique de l'Est, à Madagascar et sur plusieurs autres îles de l'océan Indien. Et ils ont constaté que l'île de Madagascar était en train de se morceler : le sud porté par la plaque Lwandle se détache du reste de l'île tandis que le centre porté par la plaque Somalienne se déplace dans une autre direction.

Une séparation à un rythme de quelques millimètres par an

Le reste de l'île est également sujet à un complexe processus de division qui s'étend jusqu'aux Comores, situées dans l'océan Indien entre l'Afrique de l'Est et Madagascar, et qui s'achèvera par la formation d'archipels. Ce n'est toutefois pas pour les prochaines années... La séparation se fait à un rythme très lent, quelques millimètres par an. Les grands bouleversements prévus n'auront pas lieu avant quelques millions d'années quand l'écartement des terres donnera naissance à de nouveaux océans. En attendant, ce travail permettra de mieux appréhender l'activité sismique et volcanique récente et en cours dans les Comores.

Joël Ignasse in "Sciences & Avenir" du 27 novembre 2020.


Le Grand Remplacement est-il véritablement une réalité en France ?

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Le grand remplacement est une théorie du complot d'extrême droite introduite en 2010 par l'écrivain français Renaud Camus, un homosexuel qui fait l'apologie de la pédophilie. En reposant sur des principes xénophobes et racistes, il affirme qu'il existerait en France un processus de substitution de la population française et européenne par une population non européenne, originaire en premier lieu d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Ce processus conduirait à un changement de civilisation soutenu, voire organisé, par une élite politique, intellectuelle et médiatique qualifiée de « remplaciste », qui maintiendrait à ce sujet une conspiration du silence et serait motivée pour ce faire par l'idéologie ou par l'intérêt économique.

La théorie du Grand Remplacement ne résiste pas aux statistiques. Il n'y a que 10% d'immigrés en France et la communauté étrangère la plus importante est constituée par les Portugais, autrement-dit des Européens.

10% de la population totale

En 2021, 7,0 millions d' immigrés vivent enFrance, soit 10,3 % de la population totale. 2,5 millions d'immigrés, soit 36 % d'entre eux, ont acquis la nationalité française. La population étrangère vivant enFrance s'élève à 5,2 millions de personnes, soit 7,7 % de la population totale.

Est « étrangère» toute personne résidant en France qui ne détient pas la nationalité française. Un « immigré» est une personne née étrangère à l'étranger et venue s'installer en France pour un an au moins, qu'elle ait acquis ou non la nationalité française par la suite.

Les plus nombreux sont les Portugais

Les Portugais sont les plus représentés (plus de 600 000 personnes), deux fois plus que les Italiens ou les Espagnols. Historiquement, la vague migratoire la plus importante en France est venue d'Italie.

En 2021, la France a délivré 733 069 visas contre 712 317 en 2020, soit une légère hausse de 2,3%. Ce nombre reste très inférieur au total des visas délivrés avant la crise sanitaire. En 2019, la France avait délivré 3 534 999 visas.

Les États-Unis restent le pays qui abrite le plus grand nombre d'immigrés, 49,8 millions, soit un sur cinq, loin devant l'Arabie saoudite et l'Allemagne (12,2 chacun), la Russie (11,7 millions), le Royaume-Uni (8,8), les Émirats arabes unis (EAU) (8,3) et la France (7,9).

Sur le plan religieux, l'islamqui totalise environ cinq millions de fidèles sur un total de 67,1 millions de Français, représente 8 % de la population hexagonale. Une proportion parfois largement surestimée par l'opinion publique.

Le Grand Remplacement, Marine Le Pen, Eric Zemmour, Randy Donny, Préseidentielles françaises, disapora malgache, Randy Donny, Madagascar

Il est exagéré de dire que les immigrés "piquent" le job des Français.

Qu'en est-il de la diaspora Malgache ?

La diaspora malgache, estimé à 140 000 avec une forte présence à La Réunion (17000) et à Mayotte (5000), est la première communauté d'Afrique subsaharienne en France devant celles du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun ou du Mali, mais loin derrière le Maroc ou l’Algérie.

Avec un ratio de 63% de femmes, soit près de deux femmes pour un homme, l’immigration malgache vers la France est nettement plus féminine que les autres populations immigrées. Cette caractéristique pourrait s’expliquer par l’importance des migrations maritales, le mariage constituant par exemple un motif de naturalisation sur deux.

Les Malgaches de la diaspora française ont un niveau de qualification bien supérieur à la moyenne française (60% de master et doctorat contre un peu moins de 30% en France.  45% pour les migrants d’Afrique sub-saharienne en général). Au niveau socio-économique, on relèvera que le taux de chômage des immigrés malgache est inférieur au taux de chômage moyen des immigrés en France, et que plus d’un tiers de l’échantillon composé dans le cadre de cette étude occupe des fonctions de cadre, professions intellectuelles et libérales.
Les Malgaches de la diaspora en France se mobilisent déjà au niveau individuel, notamment à travers les transferts financiers à Madagascar estimé à 86 millions d’euros par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en 2013.

Selon une enquête (La Diaspora malagasy en France et dans le monde, une communauté oubliée?) menée par Mireille Razafindrakoto (IRD-DIAL), Nicolas Razafindrastima (INED) Nirintsoa Razakamanana (IRD-DIAL) et François Roubaud (IRD-DIAL),«la diaspora malgache s’inscrit plus que les autres communautés dans une logique individuelle d’intégration dans la société d’accueil»,écrivent les auteurs.«Elle est beaucoup plus souvent naturalisée que les autres diasporas (63%).» Par comparaison, seulement 25% des migrants du Mali sont devenus français.
«Les migrants originaires de Madagascar se singularisent donc par leur degré d’intégration à la fois familiale, sociale et spatiale. Cette spécificité explique sans doute leur faible "visibilité"en tant que communauté»,concluent les auteurs.

Dédesse, témoin de la naissance du salegy moderne

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Ses chansons berçaient mon enfance. Il faisait partie des auteurs-compositeurs que j'admirais. Dédesse, une sommité de la musique malgache, disparaît le 6 novembre 2022 à 71 ans. Retour sur le parcours d'un avant-gardiste et témoin de la naissance du salegy moderne. 

Dédesse, salegy, Madagascar, Randy Donny

Pendant mon enfance à Manakara, en 1976, je passais devant la vitrine du magasin Siditsidina qui vendait des  disques dont celui-ci, de Dédesse. Je rêvais alors du jour où j'aurais les moyens de les acquérir. Siditsidina est devenu actuellement l'hôtel Sidi.

"Malakilaky anareo mandigny "zahay afara". Dépêchez-vous de venir nous succéder, chantait Dédesse dans "Malakilaky", face A d'un disque 45 tours sorti en 1979. Depuis, il a eu le temps de voir grandir le salegy moderne et ses flopées d'adeptes qui ne cessent d'apporteur leurs touches personnelles.

Né le 25 juillet 1951 à Antsiranana, que l'on se plaît communément à continuer à appeler Diego-Suarez, Dédesse, de son vrai nom Bezara Ernest, est à l'origine un musicien de cabaret. C'était au début des années 70 où  le Diego by night battait son plein avec les marins français qui occupaient la base navale locale.

"A l'époque, Diego avait autant de groupes que d'endroits qui programment du cabaret le soir. Les Jockers, avec Papa James (Batteur) et Roger Georges (bassiste), officiaient à "La Taverne"; Les Requins avec Dédesse à la batterie, animait "Chez Pauline". Mais il y avait également des "électrons libres", des groupes qui ne dépendaient d'aucun établissement : Black Jazz, Pinders, les Anges Noirs et les Tigres avec "Bouboul" Bastui, le fils de l'auteur de "Mangina Zaza" (1)... Mais nul n'égalait la popularité de Los Matadores et du "Saïgonnais", note l'auteur de ces lignes, en 2008, après une enquête à Antsiranana en vue d'une biographie de Jaojoby Eusèbe (pp. 28). Ce dernier étant alors un des chanteurs de "Le Saïgonnais". Ceci dit, il y avait également le night-club Keng Weng où un batteur, Mily Clément, enchantait les clients avec l'interprétation de "Don't Go Breaking My Heart" d'Elton John.

Dédesse et les musiciens de sa génération ne juraient alors que par les standards de la musique américaine. Lui-même était fortement influence par le pop et le folk-song, sinon la variété française, et sortent des titres assez avant-gardistes. En témoignent "L'amour que j'ai pour toi Jany", prix de la chanson francophone en 1971, dont on peut déceler une influence Simon & Garfunkel. Mais il y a également "K'Aza Malahelo/Tiako Izy", "Tsaiky Be", et du pop-rock "Ndao Hiaraka Hilalao" et "Voninkazo Toa Raozy" qu'il enregistre avec D'S Group en 1977... 

Deux événements vont changer le cours des choses et donner naissance au salegy moderne : la révolte anti-français de 1972 qui entraînent le départ des militaires français de la base navale de Diego-Suarez et l'interprétation du folklore traditionnel avec des instruments de musiques modernes. 

Dans les cabarets, les clients se composent progressivement de nationaux et le répertoire s'y adapte.

"Lorsqu'il y a beaucoup d'étrangers, essentiellement des légionnaires, le répertoire est surtout composé de chansons étrangères. Lorsque la majorité du public est malgache, les chansons malgaches dominent. On voit même apparaître quelques titres africains. Ces derniers, popularisés par les disques "tapany maitso" (à moitié vert, en raison de la couleur de leurs jaquettes), sont souvent appelés "Congo". En réalité, ils viennent principalement du Kenya. C'est du moins ce qu'affirmait Freddy Ranarison qui avait produit la plupart de ces disques"(pp. 33-34).

Freddy Ranarison est justement le pionnier de l'adaptation des standards du folklore malgache, tel "Viavy Raozy". Jusque là, on se contentait d'enregistrer les chants folkloriques à la source, avec leurs auteurs accompagnés d'instruments traditionnels. Cette modernisation des rythmes traditionnels et leur vulgarisation marquent un tournant dans la musique malgache.

"Avant, on méprisait un peu les rythmes folkloriques. Bedafara Gilbert Andriamisy, un musicien qui a joué un moment au "Saïgonais" (1969-1972), se souvient que l'on se moquait de lui lorsqu'il lui arrive de jouer du garadeky, un cousin du salegy. Mais peu à peu, on se mettra de plus en plus à interpréter les chansons folkloriques avec des instruments modernes. La batterie remplace les maracas et les battements de mains et des pieds des chanteurs et de l'assistance., la guitare reprend les notes exécutées jusque là sur une valiha ou un marovany, la basse est calquée sur le son des tambours et l'orgue revisite la nappe hypnotique des accordéons. Freddy Ranarison poussera même la délicatesse jusqu'à inscrire sur la pochette de disque une leçon de danse "salegy" avec textes et figure de pas" (pp.36-37).

Outre Freddy Ranarison, un autre musicien va jeter les bases du salegy moderne : Jean-Claude Djaonarana, le batteur de Los Matadores.

"En s'inspirant du rythme des maracas et des battements de mains, [il crée] une alternance de charley et de grosse caisse ponctuée, de temps en temps, de quelques incursions vers la caisse claire. C'est ce qu'on appelle le "dontsiky"(pp. 41).

Bientôt, l'âge d'or des cabarets est révolu pour laisser la place aux bals poussières dans la brousse. 

"A la fin des années 70, on se prend de moins en moins pour des Américains noirs pour devenir plus afro. Coiffure "brown", allusion à James Brown - c'est ainsi que l'on baptise la coiffure afro à Madagascar - pattes d'éléphant. C'est le temps des watche-watcha que l'on assaisonnera à toutes les sauces. A Andapa (...), un groupe, simplement baptisé Cascades d'Andapa, s'autoproclame roi du "watchawatcha kungfu" ou "dumb". Selon la pochette de son disque sorti en 1977, il s'agit "d'une danse africaine très rythmée qui se fait à deux. Il fut dansé pour la première fois à Nossi-Bé par des marins débarqués. A Andapa, tous les jeunes le dansent avec succès fracassant..."(sic). Mais il y a également le séga watcha ou sigaoma dans la région Sofia, lequel donnera naissance, plus tard, à deux branches majeurs du salegy : le bahoejy et le malesa" (pp. 40).

Dédesse, tout comme Jaojoby Eusèbe et les autres ambianceurs d'Antsiranana,délaissent progressivement le rhythm and blues pour le salegy. Dédesse sortira encore "Samia Mamisavisa", un rock aux confluents de The Police et de Dire Straits avec des relents de "Video killed the radio stars" (The Buggles). Mais désormais, il ne jure plus que par le salegy, même si le titre de roi sera ravi par Jaojoby.

"Tsara ny rythme reggae, fa tsy ambanin'izany ny salegy", chante-t-il dans "Ny Aty", qu'il sort en 1986 avec le groupe Zanatany. Lui qui a fait une incursion dans le reggae avec "Hafatra" en 1976. Ses salegy les plus connus sont sortis essentiellement avec le groupe Zafin'Antsiragnana.

La suite est connue. Reste, toujours dans le registre avant-gardiste, ses interpellations sur la fin du communisme et de l'apartheid, la défense de l'environnement, les guerres civiles, les pandémies, les chauffards dans "Samia Mamisavisa", un tour du monde des actualités, des années avant "Inona no vaovao manerana ny tany" de Ry Sareraka.

"Samia Mamisavisa" marque d'ailleurs son engagement dans la religion. Ce qui explique son absence scénique pendant des années. Dédesse se contentait alors de libérer dans l'art la générosité qu'il n'avait pas au quotidien en composant pour les autres.

Mamy Gotso, le pionnier du rapiky (tsapiky-rap) se souvient : "j'ai eu le privilège de pouvoir le côtoyer. Je me souviens du jour où il a composé sous mes yeux et de mon défunt de beau frère Tida Raphaël la chanson "Jerijery", l'hymne officiel du festival Jerijery de Vavatenina. En 45 minutes top chrono, le mec a sorti cette belle chanson que nous connaissons tous".

"'Zahay koa mihilagna, 'nareo koa sahiragna", chantait encore Dédesse. Il peut partir en paix, le salegy est entre de bonnes mains avec ses héritiers directs, Francisiko "Salama Meva", Jean Rigo ou encore Dadi Love, tout comme les chantres du salegy hardore, Wawa en tête.

Randy D.

6 novembre 2022

(1)  Boeny Zakia, dont les droits d'auteur ne finissent de créer la polémique.